La banlieue des années 1950 et 1960

Les banlieues de bungalows constituent le milieu de vie d’une part importante de la population québécoise et canadienne ainsi qu’une composante incontournable de l’identité territoriale nord-américaine. En effet, le développement des banlieues au Québec, comme au Canada, témoigne d’un moment important dans l’évolution de la société et des modes de vie. À leur manière, les banlieues des années 1950 et 1960 reflètent nos institutions, nos valeurs, l’appropriation du territoire, l’art d’habiter et les pratiques constructives qui se sont développées depuis un demi-siècle.

Or, ces banlieues vieillissent, physiquement et socialement. Alors que la première génération de propriétaires arrive à l’âge de la retraite, leur maison atteint celui des rénovations majeures et l’infrastructure des rues est à refaire. Par exemple, dans la région de Québec, entre 1991 et 1996, les banlieues construites dans les années 50 et 60 ont subi une perte de population allant jusqu’à 10 pour cent ; les couples avec enfants n’y représentent plus que le tiers des ménages. Près des trois quarts des femmes avec de jeunes enfants sont sur le marché du travail. Entre 20 et 25 pour cent de la population est âgée de 60 ans et plus, et il y a plus d’aînés, en nombre absolu, dans l’ensemble des banlieues de l’agglomération de Québec que dans les quartiers centraux. Le cas de Québec, loin d’être unique, est représentatif de l’évolution des premières couronnes de banlieue. Mais, pendant que celles-ci vieillissent, l’étalement urbain se poursuit.

Par ailleurs, les banlieues ne sont plus uniquement des lieux de résidence : elles deviennent aussi des lieux de travail et de consommation; un nombre croissant d’entreprises s’y installent, sans oublier les travailleurs autonomes en constante augmentation. Le commerce de détail s’y déplace également avec la multiplication des centres commerciaux et des « magasins-entrepôts ».

L’apparition de noyaux urbains secondaires dans les banlieues périphériques, éloigne celles-ci du modèle de structure urbaine traditionnelle monocentrique qui opposait cœur et périphérie. La « centralité » correspond-elle toujours aux noyaux anciens, ou y-a-il lieu de parler de polynucléarité? En cette période souvent qualifiée de postmodernité ou de submodernité où plusieurs affirment que les identités se déterritorialisent, qu’en est-il du rapport à l’espace, au voisinage, au quartier, à l’agglomération? Dans un contexte où la mobilité, les nouveaux moyens de communication, l’Internet ainsi que les projets de réorganisation territoriale tendent à désancrer les identités, la notion de communauté est-elle en voie d’être redéfinie indépendamment de l’espace?

Dans ce contexte, quelles pratiques d’aménagement favoriser? Les approches de développement durable favorisent la rénovation des secteurs résidentiels existants plutôt que l’étalement urbain. Quelle est la pertinence de ces principes d’aménagement en regard des usages et des représentations contemporaines de la ville et de la banlieue? Dans quelle mesure ces propositions intègrent-elles les différentes forces (sociales, physiques, réglementaires, etc.) qui ont déterminé, à travers leur histoire, la forme des banlieues et leur processus de transformation?

Actuellement, la réglementation en vigueur dans les banlieues interdit souvent ou rend difficile l’adaptation du tissu urbain et du parc résidentiel. Une enquête récente auprès de municipalités québécoises (Leinwand et Després, 1999) indique que, dans plus de la moitié de celles-ci, le règlement de zonage interdit l’ajout de logements supplémentaires aux maisons unifamiliales: le cadre réglementaire freine-t-il les possibilités d’une meilleure adéquation entre les logements existants et les besoins de la population?  Comment donc, dans ce contexte, composer avec les formes et les pratiques spatiales existantes et émergentes pour créer une nouvelle réalité urbaine? Quels types d’investissements, de mesures et d’aménagements sont susceptibles d’avoir des impacts réels et positifs sur la vitalité des milieux et de rallier une plus large part de la population résidente?

Le contexte actuel suggère de renouveler et de croiser les connaissances disciplinaires sur ces banlieues afin d’éclairer leur avenir. En cela, une meilleure compréhension du milieu physique, des comportements et des représentations des résidents des banlieues, mais aussi des territoires adjacents (quartiers centraux et espaces ruraux) est essentielle.